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Chapitre II. Des paysans et leurs villages

   Les références historiques et socioculturelles, l'entité village

Fiche 03.  Régions et villages en Limousin


Fiche 04.  Évolution de la vie rurale et bouleversements des constructions


Le village dans son terroir

Village de loin Village de loin Nous les avons encore sous les yeux, dans la végétation familière, ces multitudes de taches rouges, rouille ou grises. Elles sont compactes, ces taches, ou bien effilochées en chapelets... ce sont les toitures de villages. Elles abritent (abritaient) trois à six « feux » ou plus, familles autour d'un feu unique, le foyer. En comptant les souches de cheminées dépassant des pignons des murs, on sait l’ampleur du village.

Pour les travaux importants, on faisait un « arban »
(ou vouade).
En Haute-Marche et dans les Combrailles, l’arban était une assemblée de paysans convoquée par l’un d’entre eux pour un travail d’entraide de grande ampleur. En d'autres termes, on réunissait le ban et l'arrière-ban pour faire un travail en commun.

Village de loin Village de loin
Les voilà donc ces villages, chacun par son nom, au sein de leurs chemins et de leurs terres, villages de familles paysannes indépendantes mais liées par le travail et la solidarité nécessaire d’un destin commun : vivre de la terre.

Village de loin Abords du village La plupart d’entre eux, dans la Haute-Marche, la Montagne limousine Montagne Montagne limousine
La Montagne limousine des paysans et des géographes, ce sont les hauteurs et plateaux cristallins de l'Est limousin. Les courbes du niveau des 700 mètres en tracent le contour : plateaux de Nedde, Gentioux, Royère, massif de la forêt de Chateauvert et Crocq, plateaux du Sud-Est corrézien, plateau de Millevaches, massif des Monédières, pays pauvres, autrefois de forêts puis de landes de bruyères, aujourd'hui d'enrésinement.
, les Combrailles, se sont construits autour d’un espace possédé en commun, un terrain non approprié : le « coderc Coderc Coderc, coderchon
C'est une propriété commune aux habitants d'un village, en Limousin et en Auvergne. Ce terrain est tenu en coterie par l'ensemble des habitants anciens ou nouveaux venus.

C'est un bien foncier hérité collectivement et joui en commun. Le coderc reste vacant : nul ne peut se l'approprier.

Souvent au centre du village, il permet une liberté de circulation et un voisinage plus aisé. Les grands codercs sont fréquents dans les villages de la Montagne limousine et en Haute-Marche.

Dans les autres régions limousines, chaque maison de village possède un coderc plus ou moins grand, petit espace clos ou libre d'accès, planté de fruitiers de haute-tige, où l'on range le bois et les outils en attente.

Autres synonymes régionaux : enclos, courtil, ouche...
 ». Sur les rives de cette étendue de liberté et de voisinage protégé, s’édifièrent, au cours des temps, abris, cabanes, maisons, granges, loges, étables et enclos.

Abords du village Abords du village
Dans d’autres pays limousins, chaque maison de village possède son « coderc » privé, banalisé et non cultivé ; planté çà et là de fruitiers de haute tige, il permet la libre circulation domestique.


Abords du village Abords du village Abords du village Abords du village  

A l'orée du village :
le « sautador »,
un savoir-vivre paysan   

Un réseau de chemins, de voies, d'accès, de sentiers et de tauveras Tauvera Tauvera
C'est la partie non labourée au bout des sillons. La charrue peut y aller puisque l'attelage a beoin de cet espace pour tourner et ouvrir le nouveau sillon.

Les tauveras ou tournières, nombreuses au temps des labours pour le pain, étaient un cheminement possible et largement utilisé pour aller et venir à travers champs.
permet à chacun de gagner les châtaigneraies, les chenevières, les labours, les prés de fauche Fauche Prés de fauche
Les prés dont l'herbage naturel est fauché pour être fané au soleil et amassé dans les barges d'étable sont dits « prés de fauche ».

Les prés qui entourent le village sont sur de bonnes terres plus ou moins pentues et irrigables par un réseau de « levées » où peut circuler l'eau des « serves » et « pêcheries » creusées dans l'amont des pentes.

Ils sont enclos de haies vives, régulièrement élaguées dans le bocage et fumés à la fin de l'hiver ; on peut y couper le regain. Ils peuvent être pacagés après la récolte de l'herbe.

Prairies artificielles labourées et enherbées de variétés sélectionnées pour le foin ou l'ensilage.
, les taillis, les prés de fond Fond Prés de fond
Ce sont des pacages, des pâtures, des pâturages situés dans les fonds des combes. Ils sont humides, ombragés, parfois marécageux. Destinés à la pâture seulement ; infauchables, ils reçoivent les troupeaux pendant l'été et sont d'un grand secours en période de sécheresse.
. Ce village a façonné son paysage particulier, de la main de ses paysans, selon le relief, la pente des eaux, l’histoire de l’occupation foncière, les façons culturales possibles et connues.

Vicq-sur-Breuilh - Carte IGN 2032 E - 1:25000

L’habitat en Limousin ? Un semis de petites agglomérations paysannes, un ensemencement de colonies agricoles : les villages. Ils ont survécu sur leur terroir, du haut Moyen Âge jusqu’au milieu du XX° siècle, moment de la disparition définitive de la civilisation paysanne.

Nous recherchons des savoir-faire en voie de disparition, gardons et employons les savoir-dire toujours vivants.

« - Mais, s’il vous plaît, vous parlez toujours de village, pourquoi ne dites-vous pas, comme tout le monde, hameau ?
- Tout simplement parce que, en Limousin, tout le monde parle de village ! On ne peut pas dire hameau, ici, parce que ce terme n’a jamais existé dans le parler des gens d’ici.
-  Pardon, on est pourtant bien en France ?
- Je ne vais pas vous apprendre que la France est constituée de régions aux langues différentes. Dans cette région de langue occitane qu’est le Limousin, l’apprentissage définitif du français est tout récent.
 »


Un vocabulaire originel donc, bien antérieur à la langue nationale, garde son histoire et sa personnalité légitime. Parler de villages pour désigner ce que la géographie nationale appelle hameaux n'est pas une revendication des tenants de la langue d'oc. C'est avant tout une fidélité naturelle à l'histoire agricole.

C'est l'histoire d'une progressive colonisation de terres et de campagnes sur une identique géologie, d'une même histoire culturale donc, d'une identique couverture végétale de landes et de bocages conquis. Ces paysans-colons, bretons ou manceaux, berrichons ou saintongeais, limousins et marchois, auvergnats ou cévenoles sont tous obligés à une même dispersion de petites colonies serves ou affranchies. A ces petites agglomérations, ils donnent spontanément le nom de villages, prolongeant ainsi jusqu'à nous la culture gallo-romaine. Dans tous ces pays, les gens les plus anciens, lorsqu'ils sont entre eux, désignent par village les mêmes petites colonies agricoles sur une même entité communale.

Autour de Ste-Feyre :
Villedard
Villecusson
Villemaux
Neuville
Villecorbeix
Longeville
Villeservine
Villandury
Villeregnier
etc.

Sainte-Feyre - Carte IGN 2229 O - 1:25000

Que s’est-il donc passé ? Dans tout l’Ouest du Massif central, en Limousin et en Auvergne en particulier, le terme de village provient du gallo-romain villa, domaine agricole, auquel s’est ajouté lors de la dispersion pour les défrichements, les conquêtes agricoles et les appropriations féodales, le suffixe « -age » indiquant l’augmentation. Le mot village ne désigne nullement l’emplacement d’une villa romaine ou carolingienne disparue ! Il désigne simplement et pleinement la petite colonie agricole de familles paysannes vivant sur son terroir par « feux » ou foyers domestiques indépendants.

La langue d'oïl ou d'oc, toujours en création vitale en même temps que conservatrice de l’histoire vécue, a transporté le terme et le sens sur une nouvelle réalité, celle d’unités sociales agricoles dispersées dans un relief accentué, à la conquête de la terre : les villages.

Eglise avec cimetière (l'Eglise-au-Bois, Corrèze) Bourg Bourg La présence visible des églises, construi­tes dès les XI° et XII° siècles, indique la constitution ancienne du christianisme sur des territoires définis par l'usage, qui de­viennent paroisses. C’est autour de l’église, de son autel, de son baptistère et de son cimetière, que sont édifiées des constructions qui ont pris le nom de bourg.

Chaque paroisse possède déjà à cette époque un nombre important de villages et de manses, colonisations largement antérieures.


Aujourd’hui, depuis l’avènement de l’administration civile, le territoire administratif, la commune se superpose à l’antique paroisse. Cependant, le chef-lieu communal est toujours le bourg et la commune contient, en plus de son centre, plusieurs dizaines de villages. Le bourg, avec son clocher, sa mairie, son école, indique, étymologiquement, un endroit fortifié. Mais là encore, il ne faut pas conclure que chaque bourg rural fut obligatoirement, à l’origine, une forteresse ou une place forte.


Les noms des choses et des lieux appartiennent à ceux qui les ont créés et pratiqués selon un usage nécessaire dans leur vie quotidienne. Il ne peut y avoir de norme extérieure qui soit fondée à remplacer ou effacer l’usage historique. Cette coutume, bien implantée dans l’histoire, a force de loi puisque les faits observés sont publics, uniformes, répétés et constants.


Coupures de presse Les gens ne se trompent pas. Ils savent ce dont ils parlent. En sont témoins, jusque dans les délibérations des conseils municipaux, les avis remis à la presse, de ramassages scolaires, de travaux de voirie, de collectes ménagères : le nom des lieux de passage est précédé du terme de village. Cette fidélité spontanée à l’usage séculaire est admirable et significative puisqu’elle échappe à la pression médiatique et se libère de l’uniformisation culturelle.

Nous recherchons des savoir-faire en voie de disparition, gardons et employons les savoir-dire toujours vivants.



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