Des kilomètres carrés de pavés de granite sont partis de Haute-Marche vers les grandes villes, façonnés par
des épinceurs creusois et par des Italiens, venus de l’immigration entre les deux guerres, travaillant par
colonies au Maupuy, dans le bois de Sardent, à la Forêt du Temple.
Mais les Trente Glorieuses, dans leur ivresse progressiste, les ont arrachés, ces pavés, ou recouverts de macadam. Sous le macadam, les pavés ! Ou bien ils gisent dans les remblais. Quatre décennies plus tard, avec les rues piétonnes et le goût néo-rustique, les municipalités, dans ce pays de pierres et de tailleurs de pierres, font venir dalles et pavés d’au-delà les mers !
Le dernier combat, la dernière résistance de la massette et de la pointerole ont été pour les bordures de trottoir. Leur taille emploie encore beaucoup d'ouvriers dans les années 60, puis tout cesse. Aujourd'hui, ces bordures sont remplacées par le béton moulé.
Une persistance s’est manifestée quelque temps dans le goût des cheminées en pierre taillée avec des éléments sciés ou marbrés, cheminées surélevées pour mettre le feu à la hauteur des yeux et orner les pavillons cossus et modernes ; persistance aussi dans la confection d’éviers, de porches d’entrée, de bancs, plus décoratifs qu’utilitaires.
La pierre, matériau fondamental de construction jusque dans les années 50, n’est plus aujourd’hui qu’un
élément de décoration. Si elle est posée à plein mur, c’est bien souvent pour le parement de façade ; la
maçonnerie ressemble davantage à un blocage au mortier de ciment, sans réel calage. C’est surtout en image
qu’elle est montée, plaquée ou collée sur un support préexistant, en imitation pseudo-traditionnelle ou en
appareillage fantaisiste.
Le comble de l’erreur serait de vouloir faire ressembler un mur ancien à un mur pseudo-rustique en détourant
toutes les pierres pour les rejointoyer, en joints creux brossés, avec un mortier prêt à l’emploi !