Nous connaissons la fabrication des mortiers traditionnels, mais que savons-nous de leur mise en oeuvre ?
Observons attentivement façades et pignons. Et tournons donc les pages où sont écrites les règles de l'art.
La manière de faire était naturellement variable. Elle obéissait à la seule logique des matériaux du pays, des habitudes locales et des outils connus. Elle se pliait aux nécessités climatiques et agricoles. Donc, pas de règles constantes mais beaucoup de variantes obéissantes et imaginatives à la fois.
C'est évident : pour l'immense majorité des constructeurs, tant en ville qu'en campagne, dans notre géologie, les maçonneries s'élevaient, liées au mortier de terre minérale (tuf gras) seulement, et cela jusqu'à l'arrivée de la chaux.
C'est au parement des murs que ce mortier de terre grasse est visible. Avec une pointe ou même à l'ongle, nous le découvrons en très fines épaisseurs entre les assises. Comme ce mortier est faible à l'écrasement, les moellons ont été posés à joints vifs, rigoureusement calés par de très petites pierres.
Cette technique évidente de parfaite limousinerie indique que les maçons criblaient la terre minérale pour ne pas avoir de gros grains dans les joints d'assise. La maçonnerie était laissée « crue » : le rejointoiement n'était pas nécessaire puisqu'impossible, donc impensable. La pratique de la chaux comme liant a modifié plus tard les savoir-faire.
Les mortiers à la chaux grasse ont permis les premières techniques du jeté à la truelle. Sur des murs fragiles, il fallait protéger les faces exposées aux intempéries. On solidifiait de cette manière les appareillages de petites pierres en noyant joints de pose, calages et joints verticaux, juste le nécessaire à pierres vues. Enfin, le prestige plus que la nécessité revêtait d'une couche continue de mortier, ou enduit, de nombreuses façades des bourgs et des maisons de maître.
Voici la taloche ou bouclier. Voici la truelle à maçonner. Voici la truelle à jeter. Contre un mur vertical, le mortier est jeté, lancé à la truelle.
Sur la taloche, l'ouvrier dépose le mortier, le vibre légèrement. Il prend avec le revers de la truelle et jette dans un geste de l'avant-bras, de bas en haut, de gauche à droite en décrivant un bref croissant. Le mortier frappe le mur maintenu humide, chasse l'air et s'applique comme une nappe. La maçonnerie est recouverte d'une fine épaisseur en quelques passages successifs.
Il existe diverses machines à projeter les mortiers. Pour le respect des logiques et finitions anciennes, il convient de plier les nouvelles techniques aux exigences de travail à réaliser.
Sur les maçonneries : les traces visibles des façons de faire les finitions.
Ce sont les murs qui nous parlent ! Avec une attention minutieuse, nous pouvons comprendre les aspects choisis par les maçons.
Pour le mortier, le maçon a utilisé exclusivement du tuf gras (terre grasse, « bar » corroyé).malaxé Pour chaque pierre, le lit de pose touche le lit d'assise.
Entre les encoignures taillées, la maçonnerie est de pierre tout venant. En souvenir d'un appareillage noble, le maçon a souligné artificiellement les hauteurs des rangs d'assise par un joint plein. Après avoir regarni de mortier la ligne déterminée, tout en suivant une règle, il a écrasé le mortier avec une truelle à joint dite « oreille de cochon ».
La main du maçon a jeté en plusieurs passages un mortier, laissant lire l'appareillage, juste nécessaire pour bien garnir joints et petits garnis. Le maçon n'a pas cherché à montrer les pierres ! Il a jeté et coupé au tranchant de la truelle, réalisant une finition à pierres vues ou « joints beurrés ».
Le mortier a été jeté en crépi ou bien serré à la taloche comme un enduit sans couche d'attente ; souvent, le soubassement est dégradé.
Aujourd'hui on imite cette usure en faisant ce qui est appelé un mortier gratté, aussi bien en joint qu'en enduit plein : quelques heures après le dernier passage, la surface serrée est grattée en montant à la truelle ou à la taloche à pointe.
Cette imitation de l'usure ancienne (sans brosse, ni éponge) permet des réparations ou des créations nouvelles.