En Limousin, géologie de pierres abondantes et faciles à assiser, les maçonneries restaient brutes : on n'avait rien alors pour les recouvrir. La chaux, vive ou éteinte, appelée aussi chaux grasse, était très rarement employée sur les chantiers.
Avec l'ouverture des voies ferrées et la traction par locomotive à vapeur, marchandises et matériaux arrivent à toutes les stations : chaux agricole et chaux pour le bâtiment sont à la disposition des entrepreneurs.
La chaux est alors employée vive et amortie sur le chantier.
Nombreux ont été les pays de France qui, comme le Limousin, ont ainsi découvert l'emploi de la chaux dans le mortier, rendant possibles crépis et enduits
Crépis et enduits hésitent et balancent entre protection nécessaire et apparat délicat. Les deux sont de même mortier et ont pour but d'assurer un revêtement. Ce qui les différencie, c'est la manière de revêtir le mur. L'enduit, c'est le mortier appliqué à la truelle et serré à la grande taloche, ou bouclier, sur une sous-couche à laquelle il s'accroche. Le crépi, c'est le même mortier mais lancé ou projeté en finitions non retouchées et diverses sur une sous-couche ou directement sur la muraille.
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À partir des années 30, les chaux plus ou moins hydrauliques sont livrées ventilées et ensachées par 50 kg et parviennent chez les marchands de matériaux des villes et des campagnes.
Crépis et enduits se sont alors multipliés.
Le mortier de chaux a ainsi pu venir au secours de maçonneries laissées crues ; un revêtement de mortier, c'est une peau pour protéger un corps fragile ; c'est un vêtement pour résister aux attaques de l'eau, du soleil et du gel.
Le mortier de chaux a aussi pu répondre à l'attente des façades, sur la voie principale du bourg, qui réclamaient des robes plus seyantes que leur muraille de micaschistes gris, un meilleur uniforme leur donnant notoriété.
Crépis et enduits hésitent et balancent entre protection nécessaire et apparat délicat.
Connue depuis la plus haute Antiquité dans les pays calcaires, la chaux est une découverte pour les maçons limousins de la fin du XIX° siècle et devient alors rapidement l'unique liant des mortiers.
Associée aux éléments granuleux du sable, la chaux va les souder entre eux. Le mélange sable et liant de chaux se fait par l'intermédiaire de l'eau. L'eau permet un enrobement intime et total de tous les grains de sable par la chaux. C'est un mélange qui aujourd'hui s'appelle « mortier ». Le contenant a laissé son nom au contenu. Le mortier est destiné à joindre entre eux les moellons d'une maçonnerie grâce à la propriété qu'il a de faire sa prise
La prise, c'est le retour à la pétrification de la chaux. Élément actif, la chaux, par mélange avec l'air, entreprend de reconquérir le carbone qu'elle avait perdu lors de la cuisson. C'est l'eau qui transporte la chaux autour des grains sableux, dans un enveloppement complet de toutes les particules. La « mise en liberté » de la chaux, totalement fractionnée et divisée à l'infini par les grains de sable, reprend à l'air ambiant le gaz carbonique perdu à la cuisson. En milieu ventilé pour la chaux aérienne et même en milieu humide et enterré pour la chaux hydraulique, c'est le même processus de prise : le carbonate de calcium, pierre à chaux de la carrière, se reconstitue.
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C'est ainsi que le maçon, mariant les pierres avec son mortier, recrée une sorte de « brèche », nouvelle roche, dont il fait une coquille géologique pour l'habitat des hommes : montant pierre sur pierre vers le haut, il travaille suivant la verticalité de l'attraction terrestre.
Avec la chaux venue par le rail, les maçons vont choisir alors, toujours dans les sables vierges de l'arène locale des roches limousines, des tufs
Terme général en géologie, désignant, depuis les Grecs et les Latins, une roche fragile. On range sous ce terme plusieurs roches d'origines géologiques diverses : des tufs volcaniques, des tufs non homogènes de calcaires et de végétaux pétrifiés, des tufs provenant de la désagrégation de roches déjà sédimentaires (calcaires, grès…), des tuffeaux tendres qui durcissent à l’air, etc. Ainsi, dans la vallée de la Loire, le tuffeau désigne une roche calcaire sédimentaire particulièrement friable.
Dans les régions du Massif Central, l’épaisseur d’arène recouvrant la roche mère est une roche fragile et friable, conservant l’aspect et la texture de la pierre de granite ou de gneiss. Fouillée à l’outil, elle s’effondre en un sable (arena = sable) dont les composantes minérales sont les mêmes pour ces deux roches (quartz abondant, feldspath transformé en argile par hydratation, mica), avec des proportions variables.
Dans le Massif Central, là ou prédomine la langue d’oc, le terme tuf venu des Latins est toujours vivant dans le vocabulaire usuel des autochtones. Ce terme est à la jonction de la science géologique et de l’histoire. On ne peut le réduire à un localisme et il doit être employé sans complexe ni réticence.
Ce tuf est l’agrégat le plus naturel et traditionnel dans les mortiers. Il est employé seul avec son argile grasse pour les constructions à la terre minérale. Il est choisi maigre pour les mortiers utilisant la chaux comme liant.
En Bas-Limousin, le terme très connu de « bar » désigne une arène argileuse et colorée.
En d'autres pays où il n'y a pas d'arène hercynienne, on parle de sable local, de sable de terain, de sablon, de sable à lapin ou de terre minérale.
plutôt « maigres » puisque le liant argileux n'est plus nécessaire. C'est le règne du mortier tuf et chaux bon pour un siècle. Il s'achève autour des années 1950-1960 par la victoire définitive des bétons ferraillés ou agglomérés et des mortiers de sable de rivière et ciment. Les savoir-faire antérieurs seront quasiment effacés des mémoires.
Le tuf est dans le voisinage. C'est à la main, comme pour un sable, qu'on apprécie la qualité d'un tuf à maçonner. Si une boule serrée dans la main se désagrège très sensiblement, c'est que le tuf est très maigre. Si, quand on le serre, la poignée reste compacte, le tuf est gras. Si, quand on desserre la main, la boule se fend, le tuf est réputé maigre, peu argileux ; il est autour de 20% de fines.
Pour les travaux de gobetis, crépis et enduits, on peut ajouter du sable de rivière à 0% de fines. Avec 3 parts de tuf pour une part de sable lavé, on ramène notre sable de terrain à 15% de fines.
Dans les travaux d'entretien ou de restauration, nous ne sommes pas tenus par les règlements actuels qui s’appliquent aux bâtiments post-1958. Nous pouvons donc ajouter à notre tuf, arène vierge que nous employons, une proportion de sables maigres à gros grains, de rivière ou des sables concassés (sans fines). On s’efforce d’atteindre la proportion de 2/3 de gros grains et 1/3 de fines pour avoir un sable dit corrigé et c'est cette proportion qui est retenue pour tout sable à maçonner.
Ce tuf est convenable, la chaux en sera le liant. Faisons le mélange, c'est-à-dire le mortier. Il faut doser le mélange. Le dosage du mortier, c'est le rapport entre la quantité de sable et la quantité de liant. Il est établi que 1 m³ de sable à maçonner pour 1/3 m³ de liant fournit 1 m³ de mortier. On peut donc en déduire la règle suivante : avec une partie de liant pour trois parties de sable, le liant remplit tous les vides du sable, conclusion qui s'est imposée dans les essais.
Entre les grains de sable, des plus gros aux plus petits, il subsiste des vides. Même si les plus petits s'intercalent entre les plus gros, les grains de sable ne s'emboîtent jamais totalement. Le sable étant incompressible de lui-même, lorsqu'il est parfaitement enrobé par la chaux, le mortier atteindra alors sa pleine résistance à l'écrasement.
Avec les sables d'arène ou les autres sables de terrain, les fines (les très petits grains) sont très abondantes : enrobées de chaux, les fines facilitent le remplissage des vides. C'est pour cela qu'on augmentait la quantité de sable d'arène. On utilisait traditionnellement 4 volumes d'arène pour 1 volume de liant ou bien 5 volumes pour 1 volume de liant en maçonnerie ordinaire. Nous pouvons retenir cette proportion qui avait cours sur les chantiers entre les deux guerres (5 brouettes / 1 sac de 50 kg).
Sur l’aire à gâcher, voici le tuf écarté et la chaux. Avec la pelle, on mélange à sec sable et liant le plus parfaitement par plusieurs recoupements. Puis, en faisant une cuvette, on verse un peu d’eau pour commencer le gâchage. La masse est humectée progressivement puis, à l'aide du rabot de maçon, d'une tranche de jardinier ou d'une pelle plate, elle est corroyée.malaxée
On peut aussi gâcher dans une brouette pour de petits travaux, à condition d'y verser les volumes appropriés dans les proportions choisies.
Pour les bétonnières de chantier, il est préférable de préparer à sec le mélange avant de le jeter dans la cuve et de mouiller progressivement.
Lorsque la pâte est homogène dans la cuve, elle remonte et chute en masse quand elle arrive à l'aplomb. Il faut maîtriser la cuve dans son renversement et verser lentement soit dans les brouettes soit en tas sur l’aire. Le tas est compact, abrité du soleil ou de la pluie. Avec la chaux aérienne, le mortier protégé peut attendre et être rebattu longtemps après sa confection.