retour à l'accueil

Mortiers de tuf liés à la chaux

Evolution historique des crépis et enduits traditionnels (1850-1950)


En Limousin, géologie de pierres abondantes et faciles à assiser, les maçonneries restaient brutes : on n'avait rien alors pour les recouvrir. La chaux, vive ou éteinte, appelée aussi chaux grasse, était très rarement employée sur les chantiers.




Avec l'ouverture des voies ferrées et la traction par locomotive à vapeur, marchandises et matériaux arrivent à toutes les stations : chaux agricole et chaux pour le bâtiment sont à la disposition des entrepreneurs.


À partir des années 30, les chaux plus ou moins hydrauliques sont livrées ventilées et ensachées par 50 kg et par­vien­nent chez les mar­chands de maté­riaux des villes et des cam­pa­gnes.
Crépis et enduits se sont alors multipliés.


Le mortier de chaux a ainsi pu venir au secours de maçonneries laissées crues ; un revêtement de mortier, c'est une peau pour protéger un corps fragile ; c'est un vêtement pour résister aux attaques de l'eau, du soleil et du gel. Le mortier de chaux a aussi pu répondre à l'attente des façades, sur la voie principale du bourg, qui réclamaient des robes plus seyantes que leur muraille de micaschistes gris, un meilleur uniforme leur donnant notoriété. Crépis et enduits hésitent et balancent entre protection nécessaire et apparat délicat.






Connue depuis la plus haute Antiquité dans les pays calcaires, la chaux est une découverte pour les maçons limousins de la fin du XIX° siècle et devient alors rapidement l'unique liant des mortiers.

Un mélange prodigieux

C'est ainsi que le maçon, mariant les pierres avec son mortier, recrée une sorte de « brèche », nouvelle roche, dont il fait une coquille géologique pour l'habitat des hommes : montant pierre sur pierre vers le haut, il travaille suivant la verticalité de l'attraction terrestre.

Un tuf proche


Avec la chaux venue par le rail, les maçons vont choisir alors, toujours dans les sables vierges de l'arène locale des roches limousines, des tufs Tuf Tuf
Terme général en géologie, désignant, depuis les Grecs et les Latins, une roche fragile. On range sous ce terme plusieurs roches d'origines géologiques diverses : des tufs volcaniques, des tufs non homogènes de calcaires et de végétaux pétrifiés, des tufs provenant de la désagrégation de roches déjà sédimentaires (calcaires, grès…), des tuffeaux tendres qui durcissent à l’air, etc. Ainsi, dans la vallée de la Loire, le tuffeau désigne une roche calcaire sédimentaire particulièrement friable.

Dans les régions du Massif Central, l’épaisseur d’arène recouvrant la roche mère est une roche fragile et friable, conservant l’aspect et la texture de la pierre de granite ou de gneiss. Fouillée à l’outil, elle s’effondre en un sable (arena = sable) dont les composantes minérales sont les mêmes pour ces deux roches (quartz abondant, feldspath transformé en argile par hydratation, mica), avec des proportions variables.

Dans le Massif Central, là ou prédomine la langue d’oc, le terme tuf venu des Latins est toujours vivant dans le vocabulaire usuel des autochtones. Ce terme est à la jonction de la science géologique et de l’histoire. On ne peut le réduire à un localisme et il doit être employé sans complexe ni réticence.

Ce tuf est l’agrégat le plus naturel et traditionnel dans les mortiers. Il est employé seul avec son argile grasse pour les constructions à la terre minérale. Il est choisi maigre pour les mortiers utilisant la chaux comme liant.

En Bas-Limousin, le terme très connu de « bar » désigne une arène argileuse et colorée.

En d'autres pays où il n'y a pas d'arène hercynienne, on parle de sable local, de sable de terain, de sablon, de sable à lapin ou de terre minérale.

plutôt « maigres » puisque le liant argileux n'est plus nécessaire. C'est le règne du mortier tuf et chaux bon pour un siècle. Il s'achève autour des années 1950-1960 par la victoire définitive des bétons ferraillés ou agglomérés et des mortiers de sable de rivière et ciment. Les savoir-faire antérieurs seront quasiment effacés des mémoires.



Le tuf est dans le voisinage. C'est à la main, comme pour un sable, qu'on apprécie la qualité d'un tuf à maçonner. Si une boule serrée dans la main se désagrège très sensiblement, c'est que le tuf est très maigre. Si, quand on le serre, la poignée reste compacte, le tuf est gras. Si, quand on desserre la main, la boule se fend, le tuf est réputé maigre, peu argileux ; il est autour de 20% de fines.

Pour les travaux de gobetis, crépis et enduits, on peut ajouter du sable de rivière à 0% de fines. Avec 3 parts de tuf pour une part de sable lavé, on ramène notre sable de terrain à 15% de fines.

Dans les travaux d'entretien ou de restauration, nous ne sommes pas tenus par les règlements actuels qui s’appliquent aux bâtiments post-1958. Nous pouvons donc ajouter à notre tuf, arène vierge que nous employons, une proportion de sables maigres à gros grains, de rivière ou des sables concassés (sans fines). On s’efforce d’atteindre la proportion de 2/3 de gros grains et 1/3 de fines pour avoir un sable dit corrigé et c'est cette proportion qui est retenue pour tout sable à maçonner.

Le dosage

Principe général de dosage et exemple avec un tuf des environs de Janailhac (87)   

Ce tuf est convenable, la chaux en sera le liant. Faisons le mélange, c'est-à-dire le mortier. Il faut doser le mélange. Le dosage du mortier, c'est le rapport entre la quantité de sable et la quantité de liant. Il est établi que 1 m³ de sable à maçonner pour 1/3 m³ de liant fournit 1 m³ de mortier. On peut donc en déduire la règle suivante : avec une partie de liant pour trois parties de sable, le liant remplit tous les vides du sable, conclusion qui s'est imposée dans les essais.

Les vides


Entre les grains de sable, des plus gros aux plus petits, il subsiste des vides. Même si les plus petits s'intercalent entre les plus gros, les grains de sable ne s'emboîtent jamais totalement. Le sable étant incompressible de lui-même, lorsqu'il est parfaitement enrobé par la chaux, le mortier atteindra alors sa pleine résistance à l'écrasement.


Avec les sables d'arène ou les autres sables de terrain, les fines (les très petits grains) sont très abondantes : enrobées de chaux, les fines facilitent le remplissage des vides. C'est pour cela qu'on augmentait la quantité de sable d'arène. On utilisait traditionnellement 4 volumes d'arène pour 1 volume de liant ou bien 5 volumes pour 1 volume de liant en maçonnerie ordinaire. Nous pouvons retenir cette proportion qui avait cours sur les chantiers entre les deux guerres (5 brouettes / 1 sac de 50 kg).

Sur l’aire à gâcher, voici le tuf écarté et la chaux. Avec la pelle, on mélange à sec sable et liant le plus parfaitement par plusieurs recoupements. Puis, en faisant une cuvette, on verse un peu d’eau pour commencer le gâchage. La masse est humectée progressivement puis, à l'aide du rabot de maçon, d'une tranche de jardinier ou d'une pelle plate, elle est corroyée.malaxée




On peut aussi gâcher dans une brouette pour de petits travaux, à condition d'y verser les volumes appropriés dans les proportions choisies.


Pour les bétonnières de chantier, il est préférable de préparer à sec le mélange avant de le jeter dans la cuve et de mouiller progressivement. Lorsque la pâte est homogène dans la cuve, elle remonte et chute en masse quand elle arrive à l'aplomb. Il faut maîtriser la cuve dans son renversement et verser lentement soit dans les brouettes soit en tas sur l’aire. Le tas est compact, abrité du soleil ou de la pluie. Avec la chaux aérienne, le mortier protégé peut attendre et être rebattu longtemps après sa confection.









Cliquer sur ces vignettes pour voir les photos en meilleure définition
  ....



<<  Page précédente               Page suivante  >>
Association Maisons Paysannes de France en Limousin       Retour vers le haut de page